Sujet thèse 2023

Sujet thèse 2023 LORIA-CRAN-IECL

Modélisation computationnelle biologiquement réaliste de l’activité électrique et de la plasticité hippocampiques dans un modèle animal de schizophrénie

Directrice de thèse : Laure Buhry (MCF- HDR –  LORIA)
Co-directeur de thèse : Radu Ranta (MCF – HDR –  CRAN)
Co-encadrant :Jérémie Gaidamour (IR CNRS – IECL)

Contexte et état de l’art
Les troubles schizophréniques sont des troubles psychiatriques qui affectent environ 1% de la population mondiale. D’après le DSM-V [1], ils sont caractérisés par un ensemble de symptômes comportementaux et émotionnels décrits comme positifs (hallucinations, etc.), négatifs (anhédonie, etc.) et cognitifs (affectant apprentissage, mémoire, attention et prise de décision, etc.). Alors que les symptômes positifs sont généralement contrôlés par les antipsychotiques, les symptômes négatifs et les déficits cognitifs ne sont que mal pris en charge par ces traitements pharmacologiques [2]. L’un des principaux obstacles au développement de thérapies efficaces reste notre compréhension limitée des mécanismes physiopathologiques sous-jacents. Afin de pallier cette lacune, des modèles animaux de schizophrénie sont développés depuis plusieurs années, mais ils ne permettent pas de répondre seuls aux interrogations. Il n’est en effet pas encore possible de dissocier totalement les propriétés cellulaires, synaptiques des réseaux de neurones impliqués dans la pathologie.

Des études récentes ont mis en évidence des perturbations des propriétés synaptiques hippocampiques dans les modèles animaux validés de schizophrénie [3] en comparaison à des souris sauvages. Ces perturbations pourrait expliquer en partie les troubles cognitifs retrouvés chez les patients, en particulier ceux impliquant la mémoire. Les propriétés en questions impliquent notamment la balance excitation-inhibition avec un rôle crucial joué par les récepteurs NMDA et GABA. De plus, des études immunologiques et génétiques, chez l’être humain et le rongeur porteurs de troubles schizophréniques, ont pu montrer des gènes de susceptibilité et des modifications épigénétiques résultant principalement de phénomènes inflammatoires capables d’altérer la fonction des canaux ioniques, essentiellement potassiques et calciques [4,5,6]. Ces canaux sont présents à la fois sur le corps cellulaire et au niveau de la synapses, maisla plupart des traitements pharmacologiques proposés actuellement visent essentiellement la communication synaptique.

Pertinence, originalité et objectifs
Ce travail à pour objectif l’étude des mécanismes physiopathologiques de la schizophrénie grâce à des approches de modélisation mathématique, de simulation et de traitement du signal multi-échelles en s’appuyant sur un modèle animal de la pathologie. Il permettra d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques, promettant une meilleure personnalisation des traitements pour une médecine de précision. La modélisation mathématique associée à un traitement de signaux électrophysiologiques peuvent permettre d’extraire la contribution individuelle des dysfonctions de canaux ioniques, des perturbations synaptiques et des modifications de connectivité structurelle. Nous émettons l’hypothèse  que les changements de plasticités observés dans les modèles animaux pourraient être le résultat d’un combinaison de facteurs intrinsèques à la cellules, incluant une dysfonction des canaux ioniques, et de facteurs de connectivité tels que les capacité de libération de neurotransmetteurs ou la topologie des connexions (balance excitation-inhibition, projections, etc) dont le principal perturbateur seraitinduit par les modifications de fonctions des canaux ioniques et d’homésotasie ionique. Si cette hypothèse venait à être confirmée, ces canaux cellulaires pourraient être considérés comme de nouvelles cibles thérapeutiques et mener à une exploration pharmacologique visant à améliorer symptômes cognitifs et négatif de la pathologie.  De plus, dans le contexte de la règle des 3R concernant l’expérimentation animale, modélisation et simulation représentent des outils alternatifs aux approches expérimentales utilisant des animaux particulièrement adaptés pour répondre à ces nouveaux enjeux.

Méthodologie et techniques mises en œuvre
Modélisation biologiquement réaliste des réseaux de neurones.Le travail s’appuiera sur un modèle mathématique d’hippocampe [12,13]déjà développé dans le cadre des thèses de F. Giovannini et d’A. Aussel, co-encadrée par L. Buhry (LORIA) et R. Ranta (CRAN). La première étape consistera à adapter ce modèle humain à un modèle murin en utilisant notamment les données de connectome du Allen Institute puis à compléter le modèle d’hippocampe en y intégrant différents types d’interneurones dont les constantes de temps synaptiques et projections topographiques diffèrent d’une variété à l’autre, pouvant jouer un rôle crucial dans la synchronisation des activités du réseau neuronal et donc, l’intégration des potentiels d’action dans les mécanismes de plasticité intervenant dans l’apprentissage. La seconde étape visera à l’implémentation des mécanismes de plasticité synaptique et fera intervenir des compétences de programmation parallèle pour l’implémentation optimisée des réseaux et la résolution d’équations d’équations différentielles non linéaires dans des graphes de très grande dimension. Dans cette optique, le.a doctorant.e interagira avec J. Gaidamour (IECL), mais aussi avec nos collaborateurs S. Contassot (Loria) et Marcel Stimberg (Institut de la Vision) qui est le principal développeur du logiciel avec lequel nous avions implémenté le modèle initial (Brian) [15].

Une fois le modèle conçu en conditions non pathologiques, nous explorerons parla simulation différents scenarios physiopathologiques incluant le rôle joué par les dysfonctions de canaux ioniques et des propriétés purement synaptiques, ainsi que l’influence de la connexion structurelle, souvent différente (considérée comme cause ou conséquence de mécanismes de compensation), chez le sujet souffrant de troubles du spectre de la schizophrénie, de celle du sujet sain. Certains de ces mécanismes sont explorés actuellement dans le cadre de la thèse de L. Raison-Aubry et du travail de postdoctorat de L. Naudin, sous la direction de L. Buhry. Ces résultats préliminaires obtenus dans un modèle de rétine [11, 14] serviront de point de départ. L’exploration des différents régimes de fonctionnement et des paramètres du modèle demandera également des compétences HPC (High Performance Computing) pour lesquels J. Gaidamour sera sollicité.

Signaux électrophysiologiques.Afin de confronter la modélisation précédente aux signaux réels, il est nécessaire de rajouter une dernière étape de modélisation biophysique qui permettra de générer des champs électriques dépendants de la morphologie neuronale et de l’anatomie. Dans nos travaux précédents, cette étape comprenait essentiellement des contributeurs synaptiques dipolaires [13], et nous souhaitons enrichir le modèle en intégrant des potentiels d’action. Les premiers résultats [7] indiquent que la contribution de ces derniers dans les hautes fréquences peut être significative (voir aussi [8]), et nous souhaitons confronter ces modèles à des enregistrements électrophysiologiques strictement contrôles. Ces enregistrements, effectués sur des tranches d’hippocampe après stimulation électrique par nos collaborateurs de l’équipe COMETE (UMR 1075 INSERM Université de Caen,sur un modèle animal de schizophrénie [3]) serviront de référence pour le modèle mathématique pathologique. Ils nécessiteront un traitement préalable, afin de séparer les différents contributeurs qui les génèrent. Les développements récents (thèse de P Jurczinsky et travaux associés) sur la séparation spikes-LFP (potentiels d’action-courants synaptiques) [9] et sur l’activité proches vs. propagée [10] seront adaptées au contexte des enregistrements sur tranche (multi-electrodes arrays MEA).

Encadrement et collaborations
La thèse se déroulera au LORIA (Neurorhythms), et au CRAN (BioSIS) avec un co-encadrement à l’IECL pour ce qui concerne la mise en œuvre de la simulation numérique et le HPC. Les expertises du LORIA seront particulièrement sollicitées pour les aspects de modélisation et de simulation, en particulier pour la modélisation biologiquement réaliste des réseaux hippocampo-corticaux. La contribution du CRAN concernera davantage la modélisation des phénomènes électrophysiologiques (problème direct des modèles de sources de courant jusqu’aux capteurs), ainsi que l’analyse des données expérimentales. Celle de l’IECL concernera les aspects liée à l’implémentations logiciels des modèles de neurones et de plasticité cérébrale, à la simulation de système complexes et à l’efficacité des expérimentations envisagées.  La validation des modèles développés sera faite par confrontation à des données expérimentales in vitro chez le rongeur dans l’équipe COMETE. Les développements informatiques seront intégrés dans le logiciel de neurosciences computationnelles Brian, développé par l’équipe de Neurosciences Computationnelles des Systèmes Sensoriels, Institut de la Vision, Paris [15].

Ce sujet est complémentaire d’une collaboration que nous établissons entre les différents laboratoires dans le cadre d’un dépôt de pré-proposition ANR.

Références Bibliographiques
1- DSM-V (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders). American Psychiatric Association. 2015.
2- Krogmann, A. et al. Keeping up with the therapeutic advances in SCZ: A review of novel and emerging pharmacological entities. CNS Spectr. 2019.
3- Percelay S, et al. Functional Dysregulations in CA1 Hippocampal Networks of a 3-Hit Mouse  Model of SCZ. Int J Mol Sci. 2021.
4-Lam J, et al. The therapeutic potential of  small-cond. KCa2 channels in neurodegenerative and psychiatric  diseases. Expert Opin Ther Targets. 2013.
5- Andrade, A. et al. Genetic associations between voltage-gated calcium channels and psychiatric disorders. Int. J. of Mol. Sci. 2019.
6- Dietz, A.G. et al. Glial cells in schizophrenia: a unified hypothesis, The Lancet Psychiatry, 2020.
7 – Aussel, A. et al. Extracellular synaptic and action potential signatures in the hippocampal formation: a modelling study. CNS*2019, Barcelona.
8- Scheffer-Teixeira R et al. On high-frequency field oscillations (>100 Hz) and the spectralleakage of spiking activity. J Neurosci. 2013.
9- Le Cam S. et al. A Bayesian approach for simultaneous spike/LFP separation and spike sorting, J. of Neural Eng., submitted 2022
10- Juczinsky P et al Separating local and propagated contributors to the Behnke-Fried microelectrode recordings, BioSignals, 2021
11- Naudin, L. et al.. A general pattern of non-spiking neuron dynamics under the effect of K and Ca channel modifications. J. Comp. Neurosci.11.2022.
12-Giovannini, F.  et al. The CAN-In network : a biologically inspired model for self-sustained theta-oscillations and memory maintenance in the hippocampus. Hippocampus, 2017.
13- Aussel, A.et al. A detailed anatomical and mathematical model of the hippocampal formation for the generation of SWR and theta-nested gamma oscillations. J. Comp. Neurosci.  2018
14- Raison-Aubry, L. et al.. Modélisation des mécanismes sous-jacents de l’ERG  pathologique dans la schizophrénie. L’Encéphale, Paris, 2022.
15- Stimberg, M. et al. Brian 2, an  Intuitive and Efficient Neural Simulator. eLife 8, 2019:  e47314.